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21/04/2008

Surveiller et punir

Par deux décisions du 18 mars 2008, la Cour de cassation a précisé les conditions dans lesquelles l’entreprise peut contrôler l’activité des salariés.

Dans la première affaire, il s’agissait d’un salarié d’EDF soupçonné par son employeur de travailler dans le restaurant de son épouse pendant ses heures de service. L’employeur a demandé à des cadres de l’entreprise d’aller déjeuner dans le restaurant en question et de prendre des photos du salarié fautif. Le licenciement qui s’en suit est injustifié : les salariés ont agi sans faire connaître leur qualité et ont procédé à un contrôle dissimulé donc illicite. L’entreprise aurait du envoyer un huissier qui, après avoir décliné sa qualité, aurait pu constater que le salarié participait à l’activité du restaurant.

En effet, le recours à un huissier ne constitue pas un moyen de surveillance et ne nécessite pas l'information préalable du salarié (Cass. Soc., 10 octobre 2007). Il est donc possible de demander à un huissier de contrôler l’activité d’un chauffeur-livreur qui effectue des livraisons sans facture, sans informer le salarié au préalable de l’intervention de l’huissier.

Si l’entreprise a recours à un huissier, et c’est la deuxième décision du 18 mars 2008, celui-ci doit agir dans le strict cadre de ses fonctions et ne pas mettre en œuvre de stratagème. En l’occurrence, pour  confondre une vendeuse suspectée de prélever des fonds sur les achats réglés en liquide, l’huissier a demandé à plusieurs personnes de procéder, dans la  journée, à des achats payés en espèces, avant de venir contrôler la caisse le soir après la fermeture. La Cour de cassation invalide le licenciement pour faute grave de la vendeuse : l’huissier doit s’en tenir à des constats matériels et ne peut organiser des situations à l’insu du salarié.

 

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Jeremy Bentham - Le panopticum - Projet pour une surveillance permanente dans les prisons
 

On rappellera qu’en matière de surveillance, le Code du travail impose l’information préalable du salarié sur les moyens de surveillance et de recueil des données (C. trav., art. L. 121-7 et L. 121-8). Trois dispositifs n’entrent pas dans cette obligation :

-        -  Le contrôle hiérarchique n’a pas à faire l’objet d’information préalable ;

-        - La vérification de relevés téléphoniques, ou la traçabilité des connexions du salarié, contrairement à l’enregistrement des conversations, n’est pas un système de surveillance nécessitant une information préalable  (Cass. Soc., 20 janvier 2008) ;

-      - Les systèmes de surveillance vidéo qui ont pour objet la sécurité générale et non la surveillance des salariés et qui peuvent être utilisés comme mode de preuve à l’encontre des salariés (Cass. Soc., 19 avril 2005).

EnEnfin, notons que la CNIL assimile la géolocalisation permanente à une filature illicite, et que les moyens de contrôle à distance de l'activité des salariés doivent être proportionnés à l'objectif recherché. 

 

 

09/04/2008

Les déplacements habituels

La Cour de cassation a rendu le 12 mars 2008 un arrêt, non publié, concernant un litige entre l'AFPA et un formateur. Le salarié souhaitait que soient pris en compte en tant que travail effectif ses déplacements pour assurer des formations dans différents lieux. La demande du salarié était fondée sur le fait que ses déplacements correspondaient à un trajet supérieur à son trajet habituel pour se rendre de son domicile à son lieu de rattachement administratif. La Cour d'appel avait fait droit à la demande du salarié, suivant son argumentation. La Cour de cassation censure cette décision.

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Pierre Ducordeau - 1974 - Tableau en déplacement
 
 La réglementation sur les temps de déplacement a été modifiée par la loi Borloo du 18 janvier 2005. Suite à différentes décisions de la Cour de cassation reconnaissant que le temps de trajet d'un salarié pouvait constituer un temps de travail effectif, le législateur posa deux principes : 
- le temps de trajet domicile travail ne constitue pas du temps de travail effectif ;
- lorsque le temps de trajet du salarié pour se rendre sur son lieu de travail est supérieur à son temps de trajet habituel, le salarié doit bénéficier d'une contrepartie en temps ou en argent (C. trav., art. L. 212-4).
 
L'application de ce texte au formateur de l'AFPA conduit à une première conclusion : le temps de trajet en question ne peut constituer un temps de travail effectif. La question est de savoir s'il doit donner lieu à des contreparties ou non, au motif qu'il excède le  temps de trajet habituel.
 
Sur ce deuxième point, la Cour de cassation répond que la Cour d'appel doit rechercher si le temps passé à se rendre sur les différents lieux de travail constitue un temps de trajet supérieur au temps de trajet habituel. Ce faisant, la Cour invite les juges du fond à considérer que le trajet habituel n'est pas celui qui va du domicile au lieu de rattachement administratif mais celui qui va du domicile....au lieu, ou aux lieux, habituels de travail. La notion de lieu habituel doit donc s'entendre des lieux dans lesquels s'exercent régulièrement les fonctions. Et pour un formateur itinérant (qualification du salarié) il ne saurait s'agir d'un lieu fixe mais plutôt d'une zone géographique.  Le salarié est donc toujours dans son périmètre habituel de travail lorsqu'il se déplace pour réaliser les formations.
 
En généralisant cette solution, on peut conclure que lorsque les fonctions du salarié impliquent des déplacements fréquent sur une zone géographique, il n'a pas droit à une indemnisation particulière pour le temps passé à ces déplacements (du moins pour les départs et retours domicile). En effet, le déplacement faisant partie des fonctions, il est déjà pris en compte dans la rémunération.
 
Ce n'est donc que lors de trajets exceptionnels, non impliqués directement par les fonctions, que le droit à indemnisation est ouvert. Il en est ainsi, par exemple, d'un salarié qui travaille en un lieu unique et que l'entreprise envoie exceptionnellement en formation à 500 kms. Le temps passé à ce déplacement inhabituel doit faire l'objet d'une contrepartie en temps ou en argent. A l'évidence, tel n'est pas toujours le cas. 

 

 

07/04/2008

Le forfait, c'est la liberté

La décision est lapidaire et vient après quelques autres de même nature : "un régime de forfaits en jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ; dans ce cas, le cadre doit bénéficier d'une grande liberté dans l'organisation de son travail à l'intérieur du forfait en jours" (Cass. soc., 31 octobre 2007, SARL Blue Green Villenne c/Loustaud).

Difficile de faire plus direct : soit l'on choisit le forfait et sa souplesse et la contrepartie est l'autonomie du salarié, soit on choisit la prescription et le contrôle du temps et on respecte la rigidité des horaires de travail. Mais on ne peut cumuler forfait et prescription.

 

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Profitons en pour rappeler les trois conditions principales du forfait, que la Cour de cassation non seulement s'autorise mais se fait un plaisir de vérifier :
- les salariés concernés par la possibilité de conclure des conventions de forfait en jours doivent être identifiés dans un accord collectif ;
- le forfait en jours n'est possible que si le salarié est effectivement autonome dans l'organisation de son activité ;
- le forfait en jours doit faire l'objet d'un avenant au contrat de travail signé entre le salarié et l'entreprise.
 
Si l'une de ces conditions vient à manquer, le forfait en jours peut être remis en cause. Si tel est le cas, le salarié est considéré comme travaillant 35 heures par semaine. On voit le résultat : tout salarié au forfait travaillant 8 à 10 heures par jour pourrait se voir octroyer quelques 400 à 500 heures supplémentaires par an, sur cinq ans. L'intérêt financier risquant de susciter quelques appétits, on ne saurait trop conseiller aux entreprises de sécuriser le recours au forfait et d'en respecter le régime une fois qu'il est instauré. L'autonomie, joli mot non ?
 

 

28/03/2008

La GPEC : une obligation juridique

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est une réalité juridique. La loi et la jurisprudence, notamment depuis 2002, ont contribué à façonner le régime des obligations des entreprises dans ce domaine. Le champ de responsabilité de l'employeur couvre trois risques : l'employabilité, la santé et la performance.

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Concernant la sécurité de l'emploi, l'obligation de GPEC comprend l'obligation d'anticipation (dimension prévisionnelle en liaison avec la négociation obligatoire sur la GPEC dans les entreprises de plus de 300 salariés), l'obligation d'adaptation (le salarié doit avoir les compétences requises par rapport à son emploi) et l'obligation de reclassement (en cas de mise en cause de l'emploi, l'enteprise doit permettre le reclassement interne ou externe - voir ma note du 5 mars 2008 : la Cour de cassation par une décision du 23 octobre 2007 sanctionne une entreprise qui en 12 et 24 ans d'ancienneté n'a fait suivre que trois jours de formation à deux salariées, ne leur permettant pas de maintenir leurs compétences par rapport au marché du travail).
 
Concernant la santé, l'employeur a l'obligation de veiller à ce que le salarié ait les compétences nécessaires pour travailler en sécurité. A défaut, sa responsabilité est engagée, y compris au plan pénal (voir ma note du 13 mars 2008).
 
Enfin en matière de performance, l'employeur doit vérifier que le salarié dispose, a priori, des compétences nécessaires pour exercer les activités qui lui sont confiées et atteindre les objectifs qui lui sont fixés. A défaut, nulle insuffisance professionnelle ne saurait lui être reprochée ni un bonus refusé ou diminué.
 
Ces trois domaines de responsabilité, emploi-santé-performance, devront être abordés avec le salarié lors de l'entretien annuel et/ou de l'entretien professionnel.
 
Faute d'avoir géré les compétences de ses salariés, et d'avoir une traçabilité de cette gestion, la responsabilité de l'entreprise pourra être engagée en cas de sinistre : licenciement économique, accident du travail ou maladie professionnelle ou défaut de performance. Ce n'est que si l'entreprise a rempli toutes ses obligations que la responsabilité pourra être transférée sur le salarié.